Patiences d'Automne ... [Libre]

Avec l'arrivée de l'automne, tout semblait plus calme sur Wenfile. Les températures baissaient un peu plus chaque jour, et le vent se faisait plus mordant. Il ne faisait aucun doute que tôt ou tard l'hiver viendrait napper de blanc toutes ces terres... Et tout sera blanc. Comme moi. Alors je pourrais m'asseoir au milieu de la neige et dire que personne ne pourra me voir... Suis-je bête, personne ne me voit, peu importe la saison. Disons qu'en hiver on me voit... encore moins. C'est une bonne chose, je crois. Je pourrais rester là, pendant des heures... Personne ne poserait son regard sur moi, puisqu'ils ne verraient qu'un immense manteau blanc maculé, sans s'apercevoir que ce manteau recouvre mon propre pelage. Blanc. Le froid de la neige mordrait mes côtes, et le vent balaiera le peu de fourrure qui recouvre mon frêle corps... Mais je serais bien. Parce qu'il n'y a que dans ces moments là, que j'imagine un semblant de paix. De silence. De solitude. La vraie. Celle durant laquelle vous n'écoutez que le bruit du vent, et les battements de votre propre coeur.
J'attendrai cette saison patiemment, comme chaque année. En attendant, mon pelage maculé jure complètement avec les tons chauds, à la fois flamboyants et ternes, de cette saison appelée l'automne. Les feuilles meurent les unes après les autres, puis tombent lentement au sol... A défaut de rôder autour des loups qui attendent leur mort, je passe mon temps à observer les feuilles mourir. Assise près du ruisseau qui s'écoule à son rythme, je regarde cet arbre se dépouiller de son feuillage... Renaîtra-t-il au printemps prochain ? Peut-être que oui, peut-être que non. Les arbres sont les seuls auprès desquels je peux rester, les regarder mourir... puis renaître pour certains. Dans un cycle infini...
Je soupire silencieusement, me levant difficilement, mes patte étant ankylosées et glacée d'être restées trop longtemps dans la même position. Je crois même entendre mes articulations craquer, râlant de cet effort qu'elles n'attendaient plus. Mon pelage roule au-dessus de mes côtes saillantes, me rappelant qu'il faudra que j'essaie de chasser plus tard dans la journée... Mais pas maintenant... Pas encore... Je lape quelques gorgées d'eau fraîche du ruisseau, avant de finalement m'allonger, observant le reflet pâle que me renvoie cette eau. Est-ce vraiment moi ? ... Fermant les yeux, j'écoute un corbeau croasser au loin... Suivit de quelques frêles battements d'ailes effrayés. Les petits oiseaux n'ont pourtant rien à craindre de cet oiseau maculé de noir... Pourquoi le fuient-ils ? A son tour le corbeau s'envole, avec des battements d'ailes plus assurés que ces cousins plus petits. Je le regarde alors s'en aller au loin, à l'horizon, perdue dans mes songes... Laissant le vent, plus intense, me forcer à plisser les yeux pour continuer à voir ce point noir, cet animal auquel je suis associée, s'effacer de mon champs de vision . #